Effet autocinétique

Perception du mouvement d’un point lumineux dans le ciel

Lorsqu’on suit un point lumineux dans le ciel, nous pouvons être victimes d’illusions d’interprétations sur son mouvement :

“Le phénomène dit autocinétique fait apparaître mobile un phénomène lumineux fixe placé dans un milieu pauvre en points de référence, tel un ciel nocturne sombre (sans la Lune). C’est ainsi que des planètes (Jupiter, Vénus) ou des étoiles brillantes peuvent sembler se déplacer aux yeux d’un observateur.

Bien que plus rare, le phénomène inverse (auto-stase) peut aussi se produire. Lors d’une OBSERVATION d’un avion pris pour un OVNI, certains témoins le décrivirent immobiles alors qu’il se déplaçait, d’autres personnes l’observant d’un point de vue proche ne commirent pas cette erreur. C’est ce phénomène qui explique que des observateurs de satellites artificielles (qui se déplacent régulièrement et en ligne droite) croient parfois les voir faire des arrêts ou des changements de direction le long de leurs trajectoires. Là encore, ce phénomène se produit lors de l’observation d’un point lumineux dans un milieu sombre sans point de repère. L’autocinétique comme l’autostase sont dus à des mouvements irréguliers des globes oculaires” (Daniel Mavrakis, Les OVNI : Aspects psychiatriques, médico-psychologiques, sociologiques, Editions universitaires européennes, 2010). (source )

Lorsque vous observez attentivement un point lumineux fixe dans le noir, par exemple une étoile brillante dans un ciel dégagé, vous pouvez avoir l’impression qu’il se déplace lentement. Cette illusion d’optique est l’effet autocinétique, connu des psychologues depuis bien longtemps.

L’effet autocinétique a été utilisé dans le cadre d’une célèbre expérience de psychologie sociale par Muzaref Sherif en 1935. Chaque sujet de l’expérience était placé dans une pièce obscure, où on projetait un point lumineux fixe. Il devait estimer le déplacement perçu du point lumineux. Lorsque les participants sont plusieurs dans la salle, on observe une convergence des réponses. Par cette expérience, Sherif a pu montrer que l’on est influencé par l’opinion majoritaire ou moyenne d’un groupe. Dans le cas de l’effet autocinétique (ça n’est pas vrai pour d’autres expériences similaires), il ne s’agit pas seulement d’un revirement de façade : les participants avaient bien “internalisé” le changement.

Les ovnis

L’effet autocinétique se manifeste lorsqu’il n’y a pas de point de repère pregnant autour du point lumineux. Il fonctionne donc mieux dans l’obscurité complète, et lorsqu’il n’y a qu’un point lumineux ou presque. Il est d’autant plus fort que l’on est fatigué ou que l’on regarde de côté, avec la tête ne faisant pas face à l’objet (Gregory & Zangwill, 1963). Il est plus net si le point lumineux brille faiblement, et si le sujet a du mal à estimer la distance entre le point lumineux et lui-même (Sherif, 1935). On voit qu’une étoile dans un ciel nocturne est un stimulus idéal pour créer une telle illusion !

Des auteurs ont expliqué que l’effet autocinétique associé à une étoile ou à d’autres objets brillants pouvait être à la source d’un certain nombre de témoignages d’ovnis (Vaughn & Schick, 1999). Plus spectaculaire même, l’effet autocinétique peut se manifester sur un petit groupe de spots, donnant l’impression d’un véhicule aérien silencieux. Si trois étoiles sont placées selon un triangle équilatéral par exemple, on peut avoir l’impression qu’elles se déplacent ensemble… et les percevoir alors comme trois phares fixés sous un objet volant.

Saccades et dérives

Bien que l’effet autocinétique soit connu depuis bien longtemps, ce n’est que récemment que l’on s’est acheminé vers la solution du mystère. Notre perception visuelle est bien plus complexe qu’on ne l’imagine parfois. L’image qui arrive sur nos rétines n’est pas simplement transférée à notre conscience. Avant cela, elle subit un traitement inconscient impressionnant. C’est lors de ce processus que se crée parfois l’effet autocinétique.

Pendant un temps, on a cru qu’il était lié aux saccades oculaires, des mouvements très rapides de l’œil. Néanmoins, cela ne correspond pas bien au mouvement lent et plutôt régulier de l’effet autocinétique.

Plutôt que des saccades, c’est de la dérive oculaire (ocular drift) qu’il faut parler. Si nous produisons des saccades rapides, ce n’est pas le seul mouvement de l’œil. La dérive oculaire, un mouvement généralement lent de l’œil, nous est indispensable lorsque nous fixons un objet, car sans elle la perception de l’image disparaît en quelques secondes. Le mouvement de dérive est bien plus compatible avec l’effet autocinétique que les saccades.

Pendant longtemps, il n’a pas été possible d’estimer précisément l’importance de la dérive oculaire, les instruments de mesure de position du regard étant trop imprécis. C’est désormais possible, et cela a débouché sur des avancés dans l’explication de l’effet autocinétique. Pour certains chercheurs (Wade & Heller, 2003), la dérive oculaire n’expliquerait pas tout car elle est trop faible. Mais cette conclusion reste largement controversée.

Les théories

Deux théories se sont longtemps affrontées. Toutes les deux s’accordent sur le fait que l’effet autocinétique résulte du fait que notre cerveau interprète mal un mouvement de l’œil. Cela fut d’ailleurs plus ou moins confirmé par IRM (Riedel et al., 2005). L’image de l’étoile se meut lentement sur notre rétine à cause de la dérive oculaire, et le cortex visuel interprète cela non comme un mouvement de l’œil, mais comme un mouvement de l’étoile. En condition ordinaire, notre cerveau est très efficace pour nous faire voir un monde fixe alors que nos yeux bougent sans cesse. Pourquoi dans le cas d’une étoile nocturne le système ne fonctionne-t-il plus ? C’est là que les deux théories diffèrent.

Selon la première théorie, il s’agit d’un problème d’interprétation des informations envoyées aux muscles oculaires. Un des moyens de correction du mouvement, pour notre cerveau, est en effet de compenser les ordres de mouvements envoyés aux yeux. Si un muscle vous fait tourner les yeux vers la droite, vous savez que l’image va tourner vers la gauche et vous pouvez corriger le déplacement apparent correspondant.

Selon la seconde théorie en revanche, il s’agit d’une difficulté liée à l’absence de repères dans l’image disponible. Un autre moyen de correction du mouvement est en effet d’utiliser des objets dont on sait qu’ils sont immobiles (une maison, un arbre) comme repère pour corriger les mouvements des yeux.

Cette deuxième théorie est maintenant appuyée sur des travaux expérimentaux astucieux. Des chercheurs ont utilisé une méthode de stabilisation rétinienne qui permet de déplacer en temps réel un point lumineux sur un écran de telle sorte qu’il se projette toujours au même endroit sur la rétine (Rucci & Poletti, 2009 ; Poletti, Listorti & Rucci, 2010). Dans un tel cas, le mouvement apparent disparaît, un argument fort en faveur de l’hypothèse rétinienne.

Cette illusion d’optique connue depuis au moins un siècle trouve donc seulement aujourd’hui son explication. Et encore… Il reste à reproduire de manière indépendante les résultats de Rucci et Poletti pour trancher définitivement.

Références

  • Gregory, R. L., & Zangwill, O. L. (1963). The origin of the autokinetic effect. Quarterly Journal of Experimental Psychology, 15(4), 252-261.
  • Muzafer Sherif, “A study of some social factors in perception: Chapter 2.” Archives of Psychology, 1935, 27, No. 187, 17-22.
  • Poletti, M., Listorti, C., & Rucci, M. (2010). Stability of the visual world during eye drift. The Journal of Neuroscience, 30(33), 11143-11150.
  • Riedel, E., Stephan, T., Deutschländer, A., Kalla, R., Wiesmann, M., Dieterich, M., & Brandt, T. (2005). Imaging the visual autokinetic illusion with fMRI. Neuroimage, 27(1), 163-166.
  • Rucci, M., & Poletti, M. (2009). Fixational eye movements and the autokinetic illusion. Journal of Vision, 9(8), 431-431.
  • Vaughn, L., & Schick, T. (1999). How to Think About Weird Things: Critical Thinking for a New Age by. Mountain View, Calif: Mayfield Pub. ISBN 0-7674-0013-5.
  • Wade, N. J., & Heller, D. (2003). Visual motion illusions, eye movements, and the search for objectivity. Journal of the History of the Neurosciences, 12(4), 376-395.

(source)

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